Sortir de la guerre mondiale, entrer dans les conflits de décolonisation ? Le cas des troupes coloniales de l’armée française (1944-1949) | dr Claire Miot | 26.11.2025

 

Sortir de la guerre mondiale, entrer dans les conflits de décolonisation ? Le cas des troupes coloniales de l’armée française (1944-1949)

dr Claire Miot

 

Résumé

Célébrés dans les premiers temps de la Libération par une société métropolitaine consciente de l’apport décisif de l’Empire colonial français dans la reconquête de l’Europe en général et la libération de la France en particulier, les soldats de l’Empire – qu’ils soient européens ou colonisés – constituent en effet la majorité des effectifs de la Première armée française qui libère le sud de la France, les Vosges et l’Alsace, et participe à l’invasion de l’Allemagne. Pour autant, la guerre, l’expérience de la défaite de 1940, celle de l’occupation (en métropole ou dans l’empire), ont profondément fragilisé les sociétés coloniales aux équilibres déjà précaires et donc aussi l’organisation et le fonctionnement des troupes coloniales, remettant en cause le prestige du colonisateur. La mobilisation de milliers d’hommes, à partir de novembre 1942, a reposé sur une négociation avec les forces nationalistes qui ne sont guères dupes des contradictions d’une guerre menée contre le joug nazi au nom de valeurs universalistes et qui attendent en contrepartie des réformes qui restent largement insuffisantes. La méfiance des cadres européens s’accroit à l’encontre d’hommes que la guerre mondiale a mis au contact avec des populations européennes, et qui exigent leur dû en matière de droits. La démobilisation des soldats de l’Empire commence alors que l’empire s’embrase, à Sétif ou à Guelma, mais aussi en Indochine. Les troupes impériales sont alors immédiatement remobilisées comme bras armé de la répression, en Algérie, puis à Madagascar (1947), et enfin en Indochine à partir de 1948. Ainsi, la démobilisation des soldats colonisés permet de questionner l’idée même d’une sortie de guerre en 1944/1945 et de déconstruire les chronologies traditionnelles, et de penser une « grande guerre impériale » (R. Overy) jusqu’aux conflits de décolonisation.

Bio

Claire Miot est une ancienne élève de l’École normale supérieur de Cachan et maîtresse de conférences en histoire contemporaine à Sciences Po Aix/Mesopolhis. Elle est l’auteure de La Première Armée française, de la Provence à l’Allemagne (1944-1945), publié chez Perrin en 2021. Elle a coédité, avec Guillaume Piketty et Thomas Vaisset, Militaires en résistances en France et en Europe, publié aux Presses du Septentrion en 2020, ainsi que, avec Thomas Vaisset et Paul Vo-Ha, Cessez-le-feu, cesser les combats ? De l’époque moderne à nos jours, publié chez le même éditeur en 2022. Ses travaux portent sur l’histoire des conflits au XX e siècle, et plus particulièrement sur le mouvement des soldats des armées coloniales et impériales. Elle s’intéresse également à l’histoire des institutions militaires occidentales au XX e siècle et spécialement à la question de leur féminisation.