Le lundi 15 novembre 2021 à partir de 13h30
nous avons le plaisir de vous inviter à
l’Ouverture de la Semaine de la science française à l’Université de Varsovie
et à la table ronde Foucault aujourd’hui
La rencontre se tiendra sous forme hybride.
en présentiel : Université de Varsovie, Bâtiment de la Faculté des langues modernes, 55 rue Dobra, salle 1.007
et par transmission Zoom : https://us02web.zoom.us/j/81857562281
Langue : le français et le polonais (traduction simultanée).
PROGRAMME
13h30 Accueil café
14h00 Ouverture officielle de la Semaine de la science française à l’Université de Varsovie
Frédéric Billet, Ambassadeur de France en Pologne
Zygmunt Lalak, Vice-président de l’Université de Varsovie délégué à la recherche
Présentation du programme de la Semaine de la science française à l’Université de Varsovie par le CCFEF : Alicja Jaworska, Nicolas Maslowski, Kinga Torbicka, Aleksandra Wiktorowska
15h00 LA TABLE RONDE « Foucault aujourd’hui »
Session 1 : Foucault mis à l’œuvre – usages, passages, impasses
Présidente de séance : Alicja Jaworska (CCFEF)
Małgorzata Jacyno (Département d’histoire de la pensée sociale, Faculté de sociologie de l’Université de Varsovie) : De l’art de résister à l’art de rembourser la dette
Philippe Sabot (Centre Michel Foucault Paris, Département de Philosophie de l’Université de Lille) : L’inscription de Foucault dans les Surveillance Studies
Michał Herer (Laboratoire de philosophie française, Faculté de philosophie de l’Université de Varsovie) : Un autre esprit de résistance
Session 2 : Un intellectuel spécifique qui passe partout. Sur les multiples actualités de Michel Foucault
Président de séance : Michał Kozłowski (Laboratoire de philosophie française, Faculté de philosophie de l’Université de Varsovie)
Michał Krzykawski (Centre d’études critiques sur les technologies de l’Université de Silésie) : De la biopolitique à la noopolitique ou une nouvelle question de la gouvernementalité à l’ère numérique
Alain Brossat (National Cheng Kung University of Tainan, Taiwan) : La réception du travail de Michel Foucault – de la « boîte à outils » au supermarché foucaldien
DÉBAT animé par Michał Kozłowski
18h00 Réception (couloir de la salle 1.007)
Descriptif de la Table Ronde « Foucault aujourd’hui »
Nous vous invitons à la table ronde consacrée à l’application de la pensée foucaldienne à une problématique contemporaine. Ce débat est organisé par le Centre de civilisation française et d’études francophones de l’Université de Varsovie en partenariat avec le Laboratoire de philosophie française de la Faculté de philosophie à l’Université de Varsovie, dans le cadre de la Semaine de la science française à l’Université de Varsovie.
Michel Foucault (1925-1984) est un philosophe qui a fortement marqué le XXe siècle. Son héritage, exceptionnel à l’échelle européenne et tant discuté par les intellectuels du monde entier, aboutit sur une remarquable harmonie approfondie de société et de politique ainsi que leur rapports au passé et à l’actualité. Les questions liées à l’individu, la société, la politique et le discours se dotent chez Foucault d’une conception du pouvoir créateur qui dirigera la présente table ronde.
La spécificité de Foucault dans les sciences humaines et sociales consiste en son intérêt pour des sujets jugés accessoires, secondaires et marginaux, comme la folie, le système carcéral, la sexualité ou la situation des minorités. Ainsi, son testament intellectuel s’avère toujours actuel : on considère aujourd’hui ces problématiques de miroir de notre société. Ce n’est pas par hasard qu’elles font l’objet de nombreuses études depuis une dizaine d’années.
Mais surtout Foucault, à travers ses recherches et ses réflexions, pose cette question éternelle « Qui sommes-nous ? », formulée souvant « Qui nous ne sommes plus ? », poignante davantage dans une Europe actuellement en mutation, tout en examinant les concepts de modernité, de progrès et de liberté qui pourrait nous aider à comprendre les changements que nous vivons aujourd’hui. Comme le remarque F. Gros (2017, Michel Foucault, coll. « Que sais-je ? », Paris : PUF), Foucault ne cherche pas la réponse à cette question dans la nature humaine transhistorique ou à travers ses vérités essentielles ; au contraire, il s’agit d’un diagnostic du présent : « ‘Qui sommes-nous?’ signifie à la fois ‘de quelles synthèses historiques est constituée notre identité?’ et ‘comment pourrions-nous être autrement?’ ». La modernité devient une manière d’être, définie comme une « ontologie critique de nous-mêmes ». Selon E. da Silva (dir. 2003, Lectures de Michel Foucault. Volume 2, Lyon : ENS Éditions, p. 9), « cette idée d’un ‘travail de nous-mêmes sur nous-mêmes en tant qu’êtres libres’, en quoi tient tout entière une attitude de modernité ouverte à l’épreuve de l’actuel, semble à bien des égards austère, par son exigence d’attention et de diagnostic du présent ».
Il est donc intéressant d’appliquer cette approche critique et universelle à l’analyse de la situation actuelle en Europe du point de vue sociologique, philosophique, anthropologique et politique. Ainsi, nous proposons d’employer la pensée foucaldienne comme outil pour analyser et pour comprendre l’homme et la société d’aujourd’hui.
Nous sommes aussi tentés de nous poser des questions provocatrices. Que dit de nous (de notre société, de notre époque ou plutôt de celle qui ne fait que passer) ce gigantesque succès de Foucault en sciences humaines et sociales ? Pourquoi sa pensée s’adapte partout, du féminisme (Butler) en passant par les partisans du libre marché (Ewald) à la gauche radicale (Negri), sans parler de nombreux conservateurs ? Que reste-t-il de son testament intellectuel ? A-t-on toujours besoin de Foucault aujourd’hui ?
Résumés
Małgorzata Jacyno : De l’art de résister à l’art de rembourser la dette
La biopolitique et le biopouvoir sont des concepts reconnus dans la littérature scientifique et des idées qui circulent dans les médias sociaux. Récemment, elles servent à dénoncer les abus et la négligence des autorités. Cependant, l’application de l’approche de Michel Foucault dans la recherche sur notre présent n’est pas évidente. À savoir, comment sa critique de l’oppression peut-elle être combinée avec la demande de reconstruction des services publics ? L’école et l’hôpital sont des institutions qui sont un symbole révélateur de la violence symbolique dans les analyses foucaldiennes. Selon Foucault, le néolibéralisme apparaît comme une opportunité de se libérer de la naturalisation des comportements, parce qu’il offre, pour la première fois dans l’histoire, un espace totalement neutre, indifférent et favorable à des révoltes de conduite.
« La population », comme l’écrit Foucault, est une totalité de ressources et de besoins. Quelles sont les ressources et les besoins de « la population » d’aujourd’hui ? Les jeunes s’endettent à vie pour étudier les formes efficaces de résistance au biopouvoir. Les lecteurs fidèles de l’Histoire de la folie à l’âge classique se plaignent d’un accès difficile aux soins psychiatriques. Les personnes âgées commettent des crimes pour se rendre en prison, s’y reposer et avoir accès aux soins hospitaliers. De nombreuses « sectes » surgissent : certains rêvent du retour de la monarchie, d’autres croient assister à la fin du monde, d’autres encore espèrent le Grand Soir, et pour beaucoup de gens le plus grand désir est de rester humain. Notre présent fait de paradoxes et de déplacements, conduit l’approche foucaldienne à une impasse. Le champ économique considéré par Michel Foucault comme un espace neutre, peut engager la totalité des représentations complexes, y compris les représentations religieuses. Aujourd’hui, nous pouvons essayer de découvrir comment un contexte historique spécifique a produit la pensée de Michel Foucault.
Philippe Sabot : L’inscription de Foucault dans les Surveillance Studies
Je souhaite interroger dans cette présentation la notion de société de surveillance, telle que Foucault a contribué à populariser à partir de Surveiller et punir. Quelle est la pertinence de cette notion à notre époque, et peut-être encore plus en ces temps de crise sanitaire ? Je voudrais montrer en particulier comment les dispositifs de surveillance contemporains, liés au développement de « sociétés de contrôle » voire de « sociétés d’exposition », naissent de désirs contradictoires et alimentent des divisions ambiguës entre privé et public, liberté et sécurité. Comment concilier d’une part la réticence face à la mise en place de procédures de contrôle qui ont pour effet de limiter en fait et parfois en droit notre liberté, et d’autre part un profond désir de sécurité qui appelle lui-même un renforcement du contrôle de certains actes, de certains comportements, voire de certaines populations dites « à risque » ? Comment concilier le désir de nous exposer (sur les réseaux sociaux) et la possibilité de résister à l’emprise de la surveillance permanente qui en découle ?
Michał Herer : Un autre esprit de résistance
Michel Foucault écrit que partout où il y a du pouvoir, il y a aussi de la résistance. Cette résistance au pouvoir, tant pour lui que pour la plupart de ses partisans, était associée à l’émancipation. La subjectivité née dans les actes de résistance était à distinguer de la subjectivité qui était subjuguée. Aujourd’hui, cependant, nous assistons à des phénomènes qui remettent en cause ce modèle. Ce ne sont pas des phénomènes entièrement nouveaux, mais ils semblent prendre de plus en plus d’importance. De nombreux individus et groupes s’expriment dans des actes d’opposition à la soi-disant politiquement correct, régime sanitaire ou consensus scientifique sur le changement climatique. Il y a un ethos à droite, y compris l’extrême droite autoritaire. De plus, cet ethos reprend de nombreux éléments appartenant traditionnellement aux mouvements d’émancipation, tels que l’impératif de lutter contre les institutions puissantes (telles que les gouvernements ou les entreprises) ou la pensée indépendante et non formatée (la soi-disant Querdenken). La pensée de Foucault nous fournit-elle les outils pour comprendre cette situation et exposer cette résistance comme apparente ?
Michał Krzykawski : De la biopolitique à la noopolitique ou une nouvelle question de la gouvernementalité à l’ère numérique
Penser avec Foucault notre actualité revient à reconnaître que son actualité n’est plus la nôtre dans la mesure où elle n’appartient plus au même régime technologique et, par conséquent, au même régime de vérité. Penseur des « techniques de soi » et du pouvoir qu’il a su décrire à partir de ses « technologies », plutôt qu’à partir de la loi, Foucault n’a pourtant interrogé ni le caractère irréductiblement techno-logique de la loi elle-même (Stiegler 2008) ni « l‘inscription territoriale des lois » (Supiot 2020). Si cette inscription est aujourd’hui mise en question par les plateformes numériques exterritoriales, le fonctionnement de celles-ci semble devenir du coup le contraire même de ce que Foucault a défini comme la biopolitique.
C’est à partir de cet impensé techno-logique de Foucault que j’aborderai à nouveaux frais la question de la gouvernementalité telle qu’elle se pose voire s’impose à l’ère numérique et dont la prise en compte requiert le passage de la biopolitique à la noopolitique telle que l’a permis de penser Bernard Stiegler, notamment à travers ses relectures critiques des travaux foucauldiens.
Alain Brossat : La réception du travail de Michel Foucault – de la « boîte à outils » au supermarché foucaldien
Après avoir été, du vivant de son auteur, considéré comme sulfureux et peu compatible avec les standards académiques, le travail de Michel Foucault est devenu, depuis le début de ce siècle une référence majeure dans le champ universitaire global, non pas seulement ni essentiellement dans les espaces de la philosophie mais des sciences humaines et sociales et au delà.
Un radical changement d’échelle s’est produit entre la configuration dans laquelle Foucault lui-même encourageait ses lecteurs à puiser dans sa « boîte à outils » et celle où ce qui s’est fixé après sa mort comme son « oeuvre » est devenu cette sorte de libre-service où chacun-e vient s’approvisionner selon ses goûts et ses besoins. Toute la question étant de savoir ce qui, sous ce régime de réception, se perpétue de sa pensée.
Veuillez noter que la réunion est enregistrée. L’enregistrement sera utilisé à des fins scientifiques. La participation à la rencontre équivaut à donner son consentement.
Veuillez respecter les règles du régime sanitaire en vigueur à l’Université de Varsovie.