Comment dire transfuge de classe en anglais ? Les récits de mobilité sociale au croisement des langues et des méthodes | présentation de Morgane Cadieux | 14.10.2025
Morgane Cadieux s’intéresse aux auto-socio-biographies françaises. Les travaux d’Edouard Louis et de Didier Eribon, qui analysent leur propre parcours de transfuges de classe dans des autofictions, ont eu du succès en France et à l’internationale. Surtout, Annie Ernaux, figure de proue de cette approche, a été récompensée du Prix Nobel de littérature en 2022. Morgane Cadieux expose alors les principaux défis soulevés par la nature hybride de ces œuvres, qui se revendiquent de la littérature mais tout en proposant une analyse sociologique.

Photo A. Prisset-Hugues
Le premier défi est pour la critique littéraire. Les auto-sociaux-biographies sont portées par un mouvement scientifique, celui de la sociologie, dont elles réutilisent les concepts et les théories. Comment concilier l’étude de la forme artistique avec celle de la forme scientifique ? Faut-il, en critiquant ces œuvres, se concentrer sur leur message sociologique ? Ou faut-il encore prendre leur forme littéraire au sérieux ? Morgane Cadieux souligne une tendance, aux Etats-Unis, à n’en extraire que l’analyse sociologique, et rappelle que la fondation Nobel a salué, chez Ernaux, sa compréhension de la société, mais pas son art littéraire. Elle rappelle alors l’importance de la textualité pour transmettre le fond sociologique, et pointe les procédés spécifiques qui retranscrivent, par exemple, le phénomène d’ascension sociale – usage de l’imparfait, de l’italique, de la polyphonie… La dimension littéraire des œuvres d’auto-socio-biographies est donc importante et doit être étudiée.

Photo A. Prisset-Hugues
Le deuxième défi se pose pour les sociologues. Ces œuvres résolument littéraires peuvent-elles être un véritable objet d’étude ? En d’autres termes, peut-on en tirer des conclusions scientifiques ? Morgane Cadieux montre que oui : en regardant la réception de ces œuvres dans la société et les images qu’elles utilisent, on en apprend sur nos représentations des phénomènes qu’elles décrivent. Il est ainsi significatif que les fictions, aujourd’hui, dépeignent plutôt des histoires d’immobilité sociale voire de déclassement, tandis que les récits d’ascension sociale soient réservés aux autobiographies, ce qui en fait déjà un évènement plus rare.

