Le vingtième anniversaire de l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne et les bouleversements géopolitiques récents qui affectent les régions orientales de l’Europe invitent à examiner les réponses apportées par le réseau de recherche français face à ces défis. Située au plus près de ce terrain en pleine évolution, Varsovie s’impose aujourd’hui comme un pôle particulièrement dynamique grâce aux travaux produits dans le monde académique polonais, mais également aux initiatives françaises qui visent à y construire une nouvelle plate-forme d’excellence et un lieu d’accueil pour les projets et les partenariats internationaux dans les divers domaines des Sciences humaines et sociales. Le Centre de civilisation française et d’études francophones – acteur historique de la coopération académique franco-polonaise – est ainsi pleinement mobilisé pour mettre en place un Laboratoire de recherche international (IRL) qui hébergera les équipes engagées dans ces nouveaux chantiers de recherche. Ce partenariat direct entre le CNRS et l’Université de Varsovie sera également renforcé par l’hébergement temporaire d’une nouvelle UMIFRE – « Institut français de recherche sur l’Europe orientale, le Caucase et l’Asie du Nord » (IRECA) – qui reprendra les travaux sur cette aire géographique, directement affectée par le conflit russo-ukrainien, à partir d’une perspective décentrée. L’objectif de ces démarches complémentaires sera de produire une expertise de haut niveau sur les transformations en cours, mais aussi – au-delà de l’immédiateté imposée par la guerre – de développer des outils méthodologiques pertinents et une lecture plus fine des sociétés établies sur ces territoires hétérogènes et fluctuants, qui ont longtemps été regardés à travers des schémas trop figés.
Pour ce faire, les deux journées à l’Université de Varsovie seront organisées autour de débats ouverts à un large public et d’ateliers de travail destinés à définir avec précision les orientations et les objets de la stratégie scientifique qui devra guider ce chantier ambitieux. L’événement accueillera une trentaine de chercheurs principalement issus des équipes de recherche françaises et polonaises des différentes disciplines des SHS. Il s’agira de réunir à la fois des spécialistes de cette partie de l’Europe et ceux des espaces plus lointains qui, à travers des problématiques communes, permettront de développer une approche comparée des phénomènes observés. Enfin, les échanges accorderont une attention particulière aux aspects méthodologiques et institutionnels afin de réfléchir ensemble à la mise en place d’un travail en réseau qui connecterait les différents acteurs de la recherche française à l’étranger avec leurs partenaires locaux dans le cadre de programmes communs et multi-sites.
9h00-9h10 Accueil des invités
9h10-9h45 : Ouverture
9h45-10h00 Introduction Laurent Tatarenko, Directeur du CCFEF (Université de Varsovie / IHMC-UMR 8066, CNRS)
10h00-12h30 Table ronde – La coopération académique franco-polonaise en SHS : bilan d’une recherche transeuropéenne
L’institutionnalisation de la coopération académique franco-polonaise a été un phénomène précoce dans la diplomatie scientifique française. En témoigne la création du Centre de civilisation française dès l’automne 1958, avec des objectifs culturels et scientifiques explicitement affirmés. Dans un réseau français dominé à l’époque par les missions archéologiques, cette initiative a été aussi l’une des rares (avec la Maison française d’Oxford et la Maison franco-japonaise) à s’ouvrir dès l’origine aux différents domaines des sciences humaines et sociales. Un autre aspect saillant de ces contacts a été leur caractère bilatéral, pensant un rapport symétrique avec la création d’un Centre de civilisation polonaise à Paris. La Pologne a ainsi été le seul pays du Bloc soviétique à accueillir une implantation académique française pérenne. Si cette relation singulière, soutenue également par d’autres cercles universitaires (notamment l’Université catholique de Lublin) a permis de mieux connecter le monde universitaire polonais à la recherche occidentale et internationale, elle a aussi amené à une multiplication des initiatives dans les partenariats conclus entre les deux pays après la fin de la période communiste. L’adhésion de la Pologne à l’Union européenne a ouvert encore davantage le champ des circulations académiques, à la fois par la levée des barrières administratives, mais aussi sous l’effet d’une interface intellectuelle déjà bien établie.
La table ronde interrogera ainsi le rôle des contacts avec la France et le monde francophone dans l’évolution de la recherche polonaise en sciences humaines et sociales au cours des vingt dernières années. De même, elle examinera jusqu’à quel point ces liens ont pu favoriser l’internationalisation (à l’échelle européenne et au-delà) de la recherche polonaise, mais aussi la construction d’une expertise française sur les régions orientales de l’Europe.
Modération : Laurent Tatarenko (CCFEF, Université de Varsovie / IHMC-UMR 8066, CNRS)
12h30-13h30 déjeuner
13h30-16h00 Atelier 1 – Conflits, mémoire(s) et résilience
Parler de conflits en Europe centrale et orientale renvoie indéniablement à l’actualité prégnante de la guerre russo-ukrainienne, mais aussi à des sujets devenus classiques pour la région, du moins dans la mémoire culturelle contemporaine. Des références célèbres, comme l’ouvrage les Terres de sang de Timothy Snyder, ont participé à consolider une représentation visant à définir cet espace par les violences qui l’ont submergé dans la première moitié du XXe siècle. Pour autant, cette perspective débouche sur au moins deux écueils. D’une part, elle tend à se concentrer sur l’expression extrême de la conflictualité. D’autre part, elle privilégie le contexte sur l’objet, en marginalisant de fait les tensions antérieures à l’époque contemporaine. C’est pourquoi, loin d’évacuer le sujet même de la guerre, notre démarche propose de renverser la perspective pour moins étudier les confrontations violentes comme le produit des tensions politiques et sociales antérieures, qu’évaluer sur le temps long l’impact social des différents conflits avec leurs moments d’emballement (depuis la dissidence politique, jusqu’aux opérations militaires, en passant par les affrontements religieux, les révoltes paysannes etc.), les stratégies de résilience mises en place par les autorités ou par les individus ainsi que l’empreinte laissée par ces moments de rupture sur les définitions des appartenances locales et la construction des frontières entre les communautés. Cette discussion visera ainsi à faire ressortir les problématiques propres à l’Europe centre-orientale mais aussi à développer une réflexion comparée à partir d’autres terrains. Le but de l’atelier sera de préparer la mise en place d’un axe transdisciplinaire ouvert qui pourra connecter le regard des historiens, archéologues et historiens de l’art (avec une attention particulière accordée aux archives écrites ou immatérielles, mais aussi aux divers artefacts) avec celui des sociologues, des politistes, des philosophes, des économistes, des juristes et des spécialistes de la littérature.
Modération : Laurent Tatarenko (CCFEF, Université de Varsovie / IHMC-UMR 8066, CNRS)
16h00-16h15 pause
16h15-18h45 Atelier 2 – Pratiques de gouvernement, circulations transfrontalières et constructions territoriales
L’atelier franco-polonais consacré aux circulations de population en Europe centrale et orientale, avec un accent particulier sur la Pologne, s’organisera comme une plateforme de discussion et d’analyse approfondie de ce phénomène complexe. Des chercheurs et des scientifiques de Pologne et de France se réuniront pour analyser l’histoire du phénomène, évaluer l’état actuel, envisager les perspectives d’avenir en tenant compte des aspects historiques, sociaux, économiques et politiques ainsi que définir le futur cadre de coopération dans le cadre du réseau de recherche français à l’étranger.
L’atelier abordera en particulier les sujets suivants : rapatriements et migrations des frontaliers au XXe siècle en Europe centrale et orientale ; Réinstallation et mémoire, identité, mémoire des absents, mémoire des artefacts ; coopération interrégionale et transfrontalière entre la Pologne et l’Ukraine ; Les propositions d’établissement de coopération, activités conjointes au sein du réseau de recherche français en Europe centrale et orientale.
Modération : Kinga Torbicka (CCFEF, Université de Varsovie)
9h30-12h00 Table ronde – La recherche française face aux nouveaux défis à l’est de l’Europe : construire les partenariats de demain
Faire droit aux enjeux de recherche à l’heure des bouleversements géopolitiques engendrés par l’agression russe en Ukraine appelle à un décentrement scientifique, à la définition de nouvelles méthodes d’analyse, mais aussi à repenser les modalités de coopération et les dispositifs de soutien aux partenariats de recherche. À l’échelle française, une articulation renouvelée des liens entre les unités de recherche, les groupements de recherche et le réseau des UMIFRE de la région constitue la première étape de cette démarche. Plus largement, la situation appelle à une réflexion partagée avec nos partenaires internationaux pour évaluer les modalités de coopération à prioriser. Cette table ronde se donnera donc pour objectif d’esquisser les lignes directrices d’une nécessaire adaptation des dispositifs de soutien à la collaboration scientifique face aux nouveaux défis à l’est de l’Europe.
Modération : William Berthomière (CNRS-Sciences humaines & sociales, PASSAGES-UMR 5319)
12h00-13h00 déjeuner
13h00-15h30 Atelier 3 – Une « histoire globale » de l’Europe centre-orientale : espaces, connexions, médiations
Les notions d’histoire globale, d’histoire croisée, d’histoire transnationale reflètent la difficulté à définir la méthodologie et les approches voulant analyser des phénomènes qui dépassent les cadres de la perspective nationale. L’histoire globale, l’un des paradigmes historiographiques les plus dynamiques de ces dernières années, repose, selon Caroline Douki et Philippe Minard, sur une double interprétation de son concept-clé : la globalisation. En tant qu’objet d’étude, la globalisation est synonyme de l’intégration, ou de son absence, au niveau social, culturel, technique ou économique. Elle renvoie à des réseaux ou à des connexions à différentes échelles. Comme objet d’étude, la globalisation requiert un regard décentralisé, un regard qui rompt avec des schémas conceptuels, spatiaux ou temporels prédéfinis et qui étudie le même phénomène sous diverses perspectives. L’approche d’histoire globale peut donc être défini comme l’analyse des processus qui transcendent les frontières géographiques, sociales et politiques – transferts culturels, circulations de personnes, de biens et de savoirs – et qui mettent en jeu les contextes « local », « régional » et « mondial ». Cette définition englobante, quoique non-exclusive, de l’histoire globale servira de point de départ au débat sur l’écriture de l’histoire ou des histoires de l’Europe centre-orientale. Comment les questionnements soulevés par les différentes disciplines des sciences humaines et sociales de même que l’environnement culturel des chercheurs peuvent-ils contribuer à l’émergence d’un regard nouveau rompant avec les stéréotypes sur cette région de l’Europe ? Une perspective globale peut-elle rendre plus pertinente notre compréhension de l’histoire des sociétés et des États de la région ? L’Europe centre-orientale et son expérience peuvent-ils contribuer à la mise en place de nouveaux outils de recherche et de nouvelles notions pour l’approche de l’histoire globale ?
Modération : Anna Konieczna (CCFEF, Université de Varsovie)
15h30-15h45 pause
15h45-18h15 Discussion plénière – Objets et outils de la recherche en réseau : un regard depuis la plate-forme CCFEF-IRECA
Modération : Laurent Tatarenko (CCFEF, Université de Varsovie / IHMC-UMR 8066, CNRS)