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Liberté scientifique et démocratie. La vérité et ses frontières dans les sociétés démocratiques / Scientific Freedom and Democracy. Truth and its borders in democratic societies ||| 13-14.05.2022

Liberté scientifique et démocratie. La vérité et ses frontières dans les sociétés démocratiques / Scientific Freedom and Democracy. Truth and its borders in democratic societies ||| 13-14.05.2022

 

Liberté scientifique et démocratie.

La vérité et ses frontières dans les sociétés démocratiques

 

Varsovie 13-14 mai, 2022

 

Les rapports entre liberté scientifique et démocratie n’ont jamais été paisibles – les démocrates ont inauguré cette longue et complexe relation en tuant Socrate. Tout comme si la démocratie de Périclès, belligérante, hostile envers les femmes ou les étrangers, n’était pas une vraie démocratie. Mais l’affaire est bien plus compliquée. L’espoir que les procédures, garante des libertés, vont nous préserver des maux du pouvoir de la majorité ou de ceux qui usurpent cette majorité est fortement ancré dans notre imaginaire. L’histoire de la modernité, schématique mais pas entièrement fausse, suggère l’existence d’un lien structurel entre révolution scientifique (fondée sur l’idée de l’autonomie des sciences par rapport au pouvoir) et développement des valeurs et institutions démocratiques. Mais encore une fois ce que nous avons pris pour une loi d’airain de l’histoire n’était qu’une corrélation contingente. De même que le capitalisme avancé ne s’est pas nécessairement conjugué avec l’Etat de droit (comme en témoigne la Chine), la démocratie ne signifie pas la garantie du respect des droits fondamentaux ni d’un simple humanitarisme (le Président Duterte en est la preuve). De la même manière, l’existence d’un cadre général démocratique ne suffit pas à protéger l’autonomie de la pratique scientifique. En effet, cette autonomie peut constituer une menace sérieuse pour la souveraineté populaire et pour ceux qui s’en réclament.

Ce qui nous intéresse alors, c’est de saisir les menaces découlant des processus démocratiques alors que nous ne saurions prétendre saisir l’essence même de la démocratie. Il nous semble qu’une tension entre les valeurs démocratiques, telles que la liberté et l’égalité, et la procédure démocratique du pouvoir majoritaire soit en effet ineffaçable bien qu’elle prenne des formes multiples et diverses.

Il semble qu’à l’échelle globale, la liberté scientifique soit confrontée à deux maux puissants et de nature hétérogène. Celui des « transitions autoritaires » à l’intérieur de régimes démocratiques, qui sont accompagnés généralement d’une charge idéologique identitaire, d’un zèle anti-intellectuel et de volontarisme dirigiste. Et derrière tout cela, émerge la volonté d’exercer le monopole de l’usage légitime de la vérité.  Mais nous nous confrontons aussi à un mal qui semble lui être opposé – celui découlant des procédures supposées neutres et objectives de quantification et d’évaluation de la science dans la mouvance néolibérale. Le gouvernement néolibéral de la science ne cherche pas à censurer les sciences ni à leur imposer des contenus. Il cherche à les structurer et à les délimiter. Bref, il vise à les soumettre à des logiques imaginaires d’un marché concurrentiel, d’entreprise et d’utilité sociale. Mais cette prétendue impartialité bureaucratique pénètre la science jusqu’au fond de l’âme. Comme le montrent les développements récents, en Pologne et ailleurs, la logique autoritaire et la logique néolibérale, bien qu’essentiellement hétérogènes, peuvent néanmoins se conjuguer et produire des formes hybrides. Le monde social est capable de réconcilier de telles contradictions.

Finalement il reste un rapport essentiellement socratique : celui entre la science et l’opinion publique qui, elle-aussi, chérit ses aspirations de légitimer les vérités scientifiques. Or, avouons-le, les intimidations violant la liberté des chercheurs ne viennent pas exclusivement du pouvoir, elles peuvent aussi intervenir « par le bas », de la société et du monde universitaire lui-même. Quelle posture faut-il adopter envers les mobilisations anti-scientifiques qu’elles soient populaires, vernaculaires, complotistes ou confessionnelles, minoritaires ou bien toutes puissantes ?

Afin de mieux comprendre ces articulations entre vérité scientifique, procédures de gestion, et pressions sur la science, nous proposons les volets suivants :

  • Liberté scientifique et frontières politiques, géographiques et culturelles
  • Liberté scientifique et frontières professionnelles, face à la diversité des vérités scientifiques et de leurs usages, face à l’idéal de la solidarité scientifique
  • Liberté scientifique et les frontières de l’autonomie. L’autonomie du champ scientifique est une construction sociale dynamique à géométrie variable. Nous chercherons à suivre ces contours et ses mutations

                                     

Scientific Freedom and Democracy.

Truth and its borders in democratic societies

                                     

Warsaw 13-14 Mai, 2022

 

Affairs between scientific freedom and democracy have never been serene. Their long lasting and turbulent  interplay was initiated with a quite unsettling event – when the democrats put Socrates to death . One can argue that this Periclean democracy, belligerent and hostile to women and foreigners, was not yet a true one. But the question is more complicated than that. We are strongly prone to believe that procedures as freedom shields can protect us against ills of the power of the majority  and more importantly against the tyranny of usurpers of that majority.  History of modernity, schematic one at least, suggests a structural bond between advances of scientific revolution (autonomous from political power) and democratisation of political power itself. But what we believe to be an iron law of history could easily reveal itself to be a purely contingent correlation. There are strong reasons to uphold this contingency. As for today, advanced capitalism does not seem to require the framework of the state of law (China provides strong evidence for that) and electoral democracy offers no guarantee against flagrant abuses of human rights of citizens (as in the case of Philippines). Instead of being protected within a larger framework of democratic processes the autonomy of scientific practice easily becomes target of diverse hostile schemes.

We do not aspire to define the essence of democracy, rather we are interested in tensions arising between sciences and democracies, their mutual demarcation lines, their contradicting aspirations in particular with relation to the question of truth.

We start from the hypothesis that scientific freedoms are today confronted with two perils of very different nature. First comes from “authoritarian transitions” within democratic regimes, usually carrying an identitarian, ultraconservative and sometimes openly antiscientific ideology. Behind this ideology hides a drive to exercise political monopoly of truth.  Second menace is quite opposite: it consists of procedures which are supposed to be neutral and content-blind. The neoliberal governance of science seeks to subordinate it to imaginary logics of competitive market. Its means consist of proliferating new quantifications and measurements and in order to achieve new distribution of power and prestige within scientific fields. These supposedly neutral procedures infiltrate science into its depth.  In fact, even if they seem heterogenous and contradictory, the Polish case proves that both authoritarian and neoliberal logic can be reconciled inside one policy. Social world is capable of reconciling such contradictions.

Additionally, the state is not the only player in the game. The tensions between science and various “public opinions” coming from below or from within rather than from above grow profusely.  The question we want to tackle is how to act in response to different antiscientific deployments, be it popular, confessional, conspiratorial, minoritarian or majoritarian.

In order to explore these workings which put sciences under siege and, at the same time, learn to avoid the besieged fortress syndrome we propose the following themes:

–          Scientific freedom and geographical, cultural, religious and political borders;

–          Scientific freedom combined with professional limits, diversity of scientific conventions of truth, and the ideal of  scientific solidarity;

–          Scientific freedom is a dynamic social construct, we shall follow its mutations, limits and inner paradoxes.

 

Promues par la Faculté de Philosophie de l’Université de Varsovie, le Fonds d’Analyse des Sociétés Politiques, le Centre de civilisation française et d’études francophones de l’Université de Varsovie, la Chaire Yves Oltramare « Religion et politique dans le monde contemporain » du Graduate Institute of International and Development Studies de Genève, le Centre français de recherche en sciences sociales Prague, ces journées d’étude font partie de la Caravane Libertés scientifiques, la production de connaissance sous contrainte, lancée par le FASOPO en soutien à Fariba Adelkhah, anthropologue à Sciences Po Paris, spécialiste de l’Iran et de l’Afghanistan, prisonnière scientifique à Téhéran depuis le 5 juin 2019.

The conférence is a part of a cycle Caravane Libertés scientifiques, production of knowledge under under constraint dedicated to à Fariba Adelkhah, anthropologist at Science Po Paris, specialising in Iran and Afghanistan, scientific prisoner in Tehran since June the 5th 2019

La Caravane des libertés scientifiques a débuté à Rabat (Recherche de terrain et libertés scientifiques, 3 avril 2021), s’est poursuivie à Paris (Liberté scientifique et risques du métier, 23-24 septembre 2021), à Genève (Religion et liberté scientifique, 30 septembre-1er octobre 2021), et à Turin (Liberté scientifique et liberté méthodologique, 27-28 octobre 2021). De prochaines étapes sont prévues notamment à Strasbourg (Guerre et liberté scientifique, septembre 2022) et à Oxford (Politics and Ethics of Non-State University Financing, janvier 2023)

 

Programme

 

Vendredi 13 mai /Friday May 13/     Krakowskie Przedmieście 3, Aula M. Ossowskiej (116)

 

16.00 Prélude

Michał Kozłowski et Nicolas Maslowski  : Introduction au colloque

Irene Bono : Caravane des libertés scientifiques

 

16.30 Keynote 1

Jacek Migasiński (Université de Varsovie) : le mars 1968 à l’Université de Varsovie. Témoignage

 

17.15  Les récits et leurs limites –  de la liberté impossible de l’historienne/ Stories and their limits – on historian’s impossible freedom

« Chez nous l’avenir est plus facile à prévoir que le passé » : inspiré d’une ancienne plaisanterie  soviétique, nous chercherons à explorer les rapports complexes entre le travail des historiens et les récits politiquement légitimes./ « With us the future is easier to foresee than the past » stated a sarcastic Soviet wisdom. We shall explore the complex relations between work of a historian and politically legitimate narratives.

Marek Węcowski (Université de Varsovie) ; Elżbieta Janicka (Académie polonaise de Sciences) ; Mohamed Tozy (MESOPOLHIS, Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence).

Modération : Beatrice Hibou (CNRS/CERI)

19.00 Keynote 2

Jean-François Bayart (IHEID Genève) : La liberté scientifique à l’heure des frontières et des guerres de l’Etat-nation

 

Samedi 14 mai/ Saturday May 14     Krakowskie Przedmieście 3, Aula M. Ossowskiej (116)

 

10.00 La cité universelle dans un monde morcelé – les sciences sociales à l’épreuve de frontières/ Universal city in a fragmented world – social sciences facing the challange of borders.

Nous chercherons à considérer les frontières dans leur double caractère : en tant que constructions sociales et en tant qu’outils de construction sociale, y compris de la science elle-même/ We seek to account for borders in their twofold nature : as social constucts and as utensils of social construction (including social construction of science itself)

Ioulia Shoukan (Institut des sciences sociales du politique, Université de Paris Nanterre) ; Alessandro Monsutti (IHEID Genève); Igor Stiks (Belgrade Singidunum University/ University of Ljubljana), Anna Manzon (Università degli Studi di Torino)

Modération : Jérôme Heurtaux (CEFRES)

 

12.00  Beyond the Curtain – Praforte: an archipelago of memories (film de Stefano Morandini et Alessandro Monsutti) discussion et débat avec Alessandro Monsutti (IHEID Genève)

 

14.30 Le gouvernement de la science – mesurer, façonner, réprimer/ Government of science – measuring, shaping, repressing

Nous chercherons à explorer les nouvelles formes de gouvernementalité du champ scientifique, leurs logiques explicites et implicites et les résistances qu’elles provoquent./ We seek to explore new forms of governmentality withing scientific fields, to follow their explicit and implicit logics as well as resistances to their exercise.

Valentin Behr (Institut d’études avancées de Paris) ; Anna Zawadzka (Académie polonaise de Sciences) ; Thomas Gmuer (IHEID Genève) Michał Herer (UW)

Modération : Michał Siermiński

 

17.00  Cinéma et sciences sociales (sous réserve) – film et débat présentés par Mateusz Pacewicz et Thomas Gmuer (IHEID Genève)

 

Comité scientifique : Irene Bono, Beatrice Hibou, Michał Kozłowski, Nicolas Maslowski